Le mardi 14 mai 2018, nous avons eu la chance de dialoguer avec Michael Horn, co-fondateur du Clayton Christensen Institute, Chief Strategy Officer chez Entrangled Ventures, et spécialiste reconnu des questions portant sur l’éducation aux Etats-Unis.
Quartier Libre : Dans vos ouvrages, vous mentionnez bien souvent le Blended Learning. Comment le définiriez-vous ?
Michael Horn : Le Blended Learning correspond à une approche qui vise à utiliser internet pour permettre à chaque apprenant de jouir d’une expérience d’apprentissage personnalisée – et donc adaptée à ses besoins et désirs. Il existe plusieurs modèles de Blended Learning, mais tous s’accordent sur la nécessité d’utiliser avec précaution des outils informatique afin de proposer un enseignement personnalisé et efficace.
QL : Justement, à propos d’enseignement personnalisé. Nous avons identifié 3 types d’apprentissage qui semblent indiquer de bonnes pistes pour le futur : L’apprentissage expérientiel, l’apprentissage adaptatif et l’apprentissage social. Qu’en pensez-vous ?
MH : Concernant l’apprentissage personnalisé, il est clair que c’est devenu une nécessité et, fort heureusement, de plus en plus une réalité. Quant à l’apprentissage expérientiel ; je dirais qu’on est face au même type de prise de conscience. En ce qui concerne l’apprentissage social, j’y vois 2 aspects : le premier concerne l’apprentissage par les pairs, tandis que le second correspond à l’importance – croissante – du réseau.
QL : Dans votre livre Blended, vous tâchez de fournir un guide pratique pour aider les professeurs et dirigeants d’école à implémenter du blended learning. Comment construire un tel guide sans prendre en compte les spécificités socio-culturelles de chaque école ? Voire de chaque élève ?
MH : Je crois que n’importe qui peut recréer un environnement de blended learning. Il s’agissait donc simplement, dans mon livre, de proposer une méthode étape par étape pour accompagner le changement vers ces méthodes. Bien sûr, chaque élève doit être pris en compte dans son individualité et ses particularités. Mais c’est aussi là que le Blended Learning est particulièrement efficace : il tend clairement vers une expérience personnalisée, et s’adapte à chacun.
QL : Pensez-vous qu’il est nécessaire d’apprendre aux enfants les bases de la programmation ?
MH : Mon opinion là-dessus, c’est que le codage va bien entendu devenir de plus en plus important à l’avenir – qui sait d’ailleurs, peut-être les codeurs seront-ils les futurs cols bleus. Mais je pense également que le plus important c’est d’enseigner ce que j’appelle le computational thinking (ndlr : pensée computationnelle), c’est-à-dire la capacité à raisonner en termes informatiques. Scratch, à ce titre, est un outil d’apprentissage fascinant et remarquablement adapté pour s’initier à la pensée informatique. Si vous êtes bons en computational thinking, alors vous pourrez exprimer votre créativité et vos autres capacités.
QL : Dans quelle mesure les travaux de Maria Montessori vous ont-ils inspirés ?
MB : Ses recherches sont clairement une forte source d’inspiration et de respect pour moi. Je pense que si elle voyait les développements et la vivacité que l’on trouve aujourd’hui dans le domaine de l’apprentissage, elle serait fière : L’on développe aujourd’hui des outils qui permettent d’appliquer des préceptes qu’elle a énoncés il y a près de 100 ans.
QL : Vous avez récemment écrit un article dans Forbes sur l’idée de renewable learning funds afin de financer l’apprentissage des adultes. Malgré tous vos travaux sur l’avenir des salles de classe, êtes-vous intéressé par l’apprentissage tout au long de la vie ?
MH : Oui, bien entendu. L’apprentissage des adultes est depuis bien longtemps une réalité, mais, de plus en plus, il va être nécessaire de se requalifier. L’apprentissage tout au long de la vie devient donc de plus en plus un véritable impératif économique.
QL : Y a-t-il une initiative favorisant l’apprentissage des adultes qui vous a particulièrement marqué dernièrement ?
MH : Il y en a beaucoup – mais je suis particulièrement intéressé par la façon dont les universités tentent de répondre au défi que représente pour elles l’apprentissage des adultes. Etant donné que l’on va devoir apprendre pendant toute notre vie, il s’agit pour elles de proposer des solutions viables à très long terme. Georgia Tech, par exemple, a mis en place un système qui s’appelle Georgia Tech Professional Education, et permet via un modèle de souscription de s’inscrire à des cours (physiques ou en ligne) à tout moment de sa vie. Probablement une piste intéressante pour l’avenir des universités…
QL : L’on entend souvent la notion de « compétences du 21eme siècle », sans vraiment trouver de définition précise. Quelle serait la vôtre ?
MH : J’avoue, pour être tout à fait franc, ne pas être un grand fan de ce mot, qui bien souvent désigne les compétences socio-émotionnelles ou encore le savoir-être. Bien entendu, ces derniers sont essentiels, tout comme la capacité à s’adapter, la créativité etc. Mais je tiens à ce que l’on ne sous-estime pas l’importance de la connaissance brute, qui sera toujours aussi utile que les compétences informelles et sert de socle à toute structure mentale.