Après trois années de classes préparatoires, mon [Florian] admission à l’ESSEC a radicalement changé le rapport que j’entretenais avec l’éducation. Fini le cadre rigide et scolaire, où l’élève reçoit passivement le savoir d’un professeur éclairé ; les travaux de groupe ont remplacé les khôlles, l’exercice pratique se substitue à la compréhension de notions théoriques. Cela m’a permis de devenir un acteur de mon apprentissage et de développer un « growth mindset », qui commence à me faire regretter le temps perdu durant le secondaire.

Lorsque nous avons commencé à approfondir le sujet de l’innovation pédagogique, le choix de l’ESSEC s’est donc imposé de lui-même. A travers les échanges que j’ai pu avoir avec Benjamin Six (directeur du K-Lab) et Nicolas Glady (Chief Digital Officer), j’ai pu m’intéresser à la politique menée par l’école pour redéfinir sa stratégie pédagogique à l’heure du numérique.

D’après monsieur Six, cette prise de conscience remonte au début des années 2010. A l’époque, le groupe ESSEC souffrait d’une ambiguïté vis-à-vis de l’enseignement numérique : si les projets innovants ne manquaient pas, l’absence de coordination entre professeurs empêchait l’adoption généralisé d’outils digitaux au sein des classes. Pour créer un cadre qui fédère et facilite l’expérimentation d’approches pédagogiques nouvelles, l’école a entrepris la redéfinition de sa stratégie éducative lors de l’arrivée de Jean-Michel Blanquer à la direction du groupe en 2013.

Afin de créer un espace qui permette de créer un écosystème pédagogique dynamique, l’ESSEC a ouvert en 2014 le K-lab, que monsieur Six décrit comme un « Fablab de l’innovation pédagogique et scientifique », un lieu de partage et de création de ressources éducatives novatrices. A travers une approche d’idéation Lean, inspirée du design thinking, l’ESSEC a commencé par agencer deux espaces modulables pour répondre à leurs nouvelles stratégies pédagogiques. D’une part, le learning lab se veut un espace d’expérimentation pédagogique, où les professeurs peuvent tester de nouvelles approches éducatives inversées à l’aide d’outils digitaux. De l’autre, l’Open Lab est un lieu de collaboration modulable, un espace pensé pour faciliter le travail en mode projet pour les élèves et les partenaires de l’ESSEC.

S’inscrivant dans une logique itérative et incrémentale, l’ESSEC a ensuite développé de nouveaux espaces pour répondre aux différentes attentes de ses professeurs et de ses élèves :

  • Le Design Lab est un laboratoire numérique pensé pour accompagner les étudiants dans leurs réalisations académiques et favoriser l’exécution de projets encadrés par des professeur. De nombreux outils, comme une imprimante 3D ou des logiciels de création, permettent aux étudiants de développer leur créativité et esprit d’entreprendre.
  • Deux studios de création vidéo permettent aux élèves et professeurs de produire de nouveaux supports digitaux dans le cadre de leurs projets. C’est notamment ici que sont produits les MOOC de l’ESSEC.
  • Le Data Lab est équipé pour assister les professeurs dans leurs expériences de recherche.

Derrière cette intention de développer un fab-lab de l’apprentissage, l’ESSEC cherche à accompagner et impulser une transformation du rôle de professeur. En effet, les équipes du K-lab accompagnent désormais le professeur dans la création de contenu théoriques, ce qui libère du temps pour le professeur afin qu’il le consacre à assister les élèves dans la réalisation de cas en groupe et à l’approfondissement de ce qui justifie son expertise : la recherche. Ainsi, les équipes du K-lab jouent un rôle de facilitateur, un soutient logistique qui induit une évolution du champ d’action du professeur pour optimiser son rôle d’enseignant et développer ses recherches.
Ensuite, nous avons abordé le sujet de la personnalisation de l’éducation et de l’apprentissage adaptatif. Selon monsieur Six, deux approches permettent l’individualisation de l’éducation, et répondent à deux objectifs différents :

  • D’une part, le machine learning permet de construire des parcours d’apprentissage individuels en déterminant le profil d’un apprenant suivant ses données pédagogiques : ils sont utiles lorsque l’objectif d’apprentissage est défini et qu’il s’agit de créer un parcours personnalisé. L’ESSEC a expérimenté des solutions d’apprentissage adaptatifs fondés sur l’analyse de données, sans pour autant les généraliser. D’après monsieur Six, leur efficience a été limité par une carence de données éducatives réellement exploitables et un faible suivi des recommandations par les élèves.
  • D’autre part, l’individualisation de l’éducation peut se faire à travers une pédagogie qui responsabilise les élèves, comme c’est le cas à l’ESSEC : puisqu’un étudiant ne sait pas qu’elle sera sa spécialisation à la sortie de l’école, il peut construire son parcours suivant ses appétences et ainsi définir sa projection professionnelle au cours de son cursus.

En dehors des learning analytics, le K-lab cherche également à expérimenter l’utilisation des réalités virtuelles et augmentées dans le secteur éducatif, qui ont pour avantage de créer des expériences engageantes en mobilisant les différents types d’apprentissage et de mémorisation. Selon monsieur Six, leur utilisation est particulièrement intéressante pour développer des capacités de learship : dans ce cadre, la réalité virtuelle peut devenir un support éducatif intéressant, car il permet d’observer des situations concrètes où l’utilisateur est confronté à un choix. Ainsi, il permet à l’utilisateur de se projeter, et peut devenir un support de débat au sein de la classe.