Le 30 avril 2018 à Paris, nous avons eu la chance de rencontrer Théo Scubla, fondateur de Wintergreat. L’occasion de comprendre en détail l’histoire, le fonctionnement et l’objectif de ce projet.
L’aventure Wintegreat commence en septembre 2015, lorsque Théo Scubla et Eymeric Guinet rencontrent Rateb, un ingénieur syrien réfugié à Paris. De cette rencontre fortuite nait un engagement, qui se concrétisera par la création d’une association pour accompagner les réfugiés dans leur parcours d’intégration. A l’occasion d’un entretien avec Théo Scubla, nous avons pu faire le point sur leurs actions, et mieux cerner les contours de cette initiative élégante, originale et innovante.
Wintergreat, c’est avant tout le refus du misérabilisme ambiant et d’une logique court-termiste face à la prétendue crise migratoire ; elle part du principe que l’accueil des réfugiés est une opportunité qu’il convient de saisir, tant sur les plans économiques que culturels. Alors étudiants à l’ESCP, Théo et Eymeric souhaitent tirer profit des synergies de l’écosystème des grandes écoles, afin d’en faire le centre d’une réponse ambitieuse qui vise à ramener la question des réfugiés au niveau économique.
A la suite de nombreux entretiens auprès réfugiés, ils dessinent alors les contours d’une solution qui réponde à leurs besoins multiples. De ces échanges est née une formation de 6 mois, gratuite, concrète et certifiante, qui vise à ce qu’ils développent les outils nécessaires à leur intégration. Conscient de la barrière que peut représenter la maîtrise du français, ce programme propose 15 heures de cours de FLE (Français Langue Etrangère) par semaine, dispensé en petit groupes de niveaux par des professeurs agréés, une formation classique qui vise à inculquer les bases de la grammaire et une connaissance grammaticale concrète. A cela s’ajoutent trois heures d’anglais, ainsi que trois heures d’un cours intitulé « Vivre en France » : au programme de ce cours , des échanges transdisciplinaires pour mieux appréhender les spécificités culturelles françaises, et comprendre les rouages de l’administration française. A travers une pédagogie résolument inversée, il s’agit de responsabiliser les réfugiés pour qu’ils deviennent acteur de leur intégration.
A ce volet académique s’ajoute un triple accompagnement personnalisé, qui vise à dépasser le cadre du réel, c’est-à-dire le simple développement de compétences professionnelles. Issu du monde professionnel, un mentor accompagne le réfugié dans la définition de son parcours professionnel ; cette figure aspirationnelle l’aide à se projeter, afin qu’il reprenne le contrôle de son parcours et devienne maître de son destin. Ensuite, un coach l’aide à définir une stratégie concrète, et l’épaule dans la réalisation de ses démarches administratives. Enfin, un étudiant de l’école référente joue le rôle de buddy, et exerce ainsi un lien plus informel avec laquelle la personne peut pratiquer le français hors du socle académique. A travers cet accompagnement multiple, il s’agit de dépasser le cadre formel, donner du sens à leur parcours individuel afin de catalyser un apprentissage du français naturel et une perspective d’intégration holistique.
Une fois ce premier programme achevé, Wintegreat souhaite assister les réfugiés dans la réalisation de leurs projets, qu’il s’agisse d’une reprise d’étude, d’une création d’entreprise ou d’un emploi. Pour assurer une préparation professionnelle, l’association est donc devenue un organisme de formation à part entière, et propose des formations spécialisantes de préparation opérationnelle à l’emploi (POE), définis en collaboration avec des branches professionnelles comme le Synthec. Dans ce cadre, Wintegreat assure une formation aux savoirs-être, qui vise à valoriser le vécu atypique des réfugiés, afin qu’il devienne un atout professionnel pour l’entreprise qui les recrute ; d’autre part, il s’agit à les préparer aux spécificités organisationnelles occidentales, notamment au niveau de la communication en entreprise et du ressource planning. A ce volet s’ajoute l’apprentissage de hard skills, qui est pris en charge par les organismes de formations des branches professionnelles et réalisé dans le cadre d’alternances avec des entreprises partenaires.
Ainsi, Wintegreat souhaite affirmer l’opportunité que représente le vécu atypique des réfugiés pour les entreprises. D’un point de vue purement économique, ces formations permettent de répondre aux besoins spécifiques des entreprises, en proposant des candidats qualifiés pour combler les besoins de métiers sous tensions, définis périodiquement en lien avec les branches professionnelles. D’autre part, ces profils atypiques et inspirant représentent une diversité recherchée par les entreprises, qui se caractérisent par leur résilience, leur capacité d’innovation et leur connaissance de marchés étrangers.
A court terme, Wintegreat souhaite ainsi devenir une plateforme qui connecte les réfugiés aux acteurs d’un marché du travail à la recherche de profils qualifiés et différents. En témoigne notamment la création de sa plateforme Wero, un cabinet de chasseur de tête numérique qui simplifie la mise en relation entre entreprises et migrants. Ainsi, Wintegreat ambitionne de créer un coffre-fort numérique qui réunit et certifie les données d’un migrant, et développer une approche top-down qui aide les migrants dans leur processus d’intégration.